MOISSONS NOCTURNES
Le moment était venu de travailler à ces présences s'imposant ça et là des contrées les plus lointaines de mes nuits. Entités évanescentes, personnages inconnus surgissant de l'obscurité comme éclaboussés d'une lumière trop vive. A certaines heures privilégiées propices aux réminiscences, vous déferliez en un flot d'images crues, tranchantes, précises.. J'ai travaillé alors très vite, il le fallait. Aujourd'hui vous voilà rassemblées, figées dans vos déambulations sur ces quelques feuilles blanches griffées au noir de chine.
G. Baudinat 1985
LA NUIT DECIDE
Pris dans les encres de Guy Baudinat, inutile de se débattre pour chercher une sortie. Inutile d'espérer s'y aménager un territoire pour un séjour confortable. Reste la patience. Nous voilà partis pour une longue traversée. Ni tempête, ni bonace, mais une épreuve d'endurance parmi vents et courants contraires, sous la poussée des fonds, dans une nuit sans étoiles. La nuit des temps. D'où apparaissent quelques figurines rescapées de la coulée d'encre, fantômes exténués, colosses facétieux, lumignons qu'une main sûre, aventureuse, même si elle n'avait souci d'aucune direction, aurait disposé comme une invitation à s'approcher. La main qui accompagne le flux d'encre sait l'impasse de l'impatience. Elle revient souvent bredouille de ses explorations. Mais quand elle tient une proie, c'est fermement. Il est bien rare qu'on n'y reconnaisse pas alors quelque ennemi intime, quelque monstre caparaçonné dont on a déjà eu à deviner l'ombre, tapie dans le coin d'un landau. Pas de panique pourtant. Au contraire, une certaine gratitude envers celui qui a trouvé la clef pour ouvrir ces brèches. Ce n'est pas une mauvaise affaire que nos prisonniers sortent ainsi, de temps en temps, pour prendre l'air... Il arrive même que leur cortège s'emballe, comme poussé par une musique obsédante, qui pourrait être le fifre d'un petit matin de carnaval, musique réglée sur une fréquence inconnue, à eux seuls accessible. S'il nous plaît de les faire danser, ils se prêteront volontiers à notre invitation, tout embarrassés qu'ils soient par l'inévitable fatras qui les entrave. Pris dans les encres, il faut bien alors s'arrêter à chacune d'elles, y aller de notre petit interrogatoire, revenir aux cachots. Tout faire, qui ne soit pas consentir à l'abjection.
Jean Paul Badet 2007
Après avoir travaillé la peinture à l'huile dans des formats moyennement grands ( 40f, 100f), j'ai éprouvé dans les années 2004-2005 une attirance évidente pour les dessins de petites dimensions. Oubliant la planéité, j'ai cherché la profondeur : subterfuge inconscient pour laisser surgir dans cet espace volontairement contraint des images enfouies au-delà de la mémoire.
G. Baudinat Novembre 2008
LES OMBRES ERRANTES
Exposition dédiée à Léo FerréAULNOYE-AYMERIES/Mars 2013
Ce titre fait référence à une pièce de clavecin de François Couperin composée à la fin de sa vie, œuvre empreinte de sérénité et de mélancolie m'évoquant la présence d'ombres fugaces, la solitude, ou encore les frôlements de la Mort dans l'obscurité grandissante que la chiche lumière des chandelles repousse à grand peine. La pratique du dessin m'a très vite donné un sésame pour voyager dans ce monde spectral qui m'attirait depuis l'enfance.
Guy Baudinat 2013INTERIEUR NUIT
On est seul.
Un peu perdu face au grouillement des apparitions et des chairs languissantes, des corps ou des amas de crânes qui, d’en être nés, retournent par delà l’épaisseur du silence à la nuit.
Ce n’est pas uniquement la mort toutefois, pas exclusivement l’espace restreint où fermentent nos songes, moins encore, sans doute, quelque sombre et visqueuse émergence du temps que l’on pressent dans les dessins et les encres de Guy Baudinat. Il en va d’une exigence beaucoup plus radicale, plus troublante dès lors, laquelle s’apparente en dépit de nos lâches fantômes à un surcroît de vie, la crainte, une manière d’inquiétude comme de désir pourtant s’y attacheraient-elles, chaque trait, chaque voile de brume essuyé sur le carreau de l’intime fenêtre, chaque trouée de la plus intime blancheur dénonçant aussitôt à nos yeux l’ordre obscur d’un monde que ronge sa propre vanité.
Des spectres, bien sur, comment ne pas s’y attendre ? d’étranges silhouettes s’émancipent un instant de la poix matricielle, qui se risquent à la neuve clarté, des mufles gras de longues et souples racines, des poulpes ou des reptiles s’accouplant sous la protection de bêtes indolentes, dont les têtes déjà préfigurent celles de certains oiseaux. C’est que Guy Baudinat, s’il broie du noir, superbement du reste, intègre à son univers les marges, les lisières et le tissu interstitiel où la moindre créature s’affirme puis s’estompe, sa plume, ou son calame, qui déchirent, lacèrent le néant, n’en caressant qu’avec plus de tendresse les enfants apeurés que nous sommes toujours.
Souviens-toi.
Il faisait froid, très froid dans la chambre.
Incapable de trouver le sommeil, tu avais l’impression que les veines du bois et les nœuds du plancher recelaient des animaux ou de redoutables ogresses, de sorte que tu devais impérativement te cacher sous les couvertures, tremblant d’effroi tout en éprouvant une espèce de bonheur que tu ne pouvais expliquer. Tu retenais ton souffle. Tendais l’oreille aux bruits à peine perceptibles, craquements, goutte à goutte ou gargouillis brusques de la tuyauterie, repoussant le drap tout à coup, l’édredon. Tu te levais, palpais d’une main hésitante les lattes proches du lit, pas un monstre, pas une fée mauvaise ne te torturant plus que la certitude presque folle d’en avoir soutenu le regard.
Ou bien le jour pointait.
Tu avais ouvert les volets et, les doigts griffant la vitre couverte de givre, gravais machinalement des chevaux et de larges fougères, des ventres, des lèvres, des sourires.
Guy Baudinat ne l’a jamais trahi ce gosse.
On le devine derrière la suie que le chiffon nettoie. Dans les éclats d’un jour qui jette sa lumière sur de pauvres étoiles.
« Peindre, écrivait Jean Tardieu, c’est extraire de l’indistinct et de l’informe les signes et les structures, c’est rivaliser avec la beauté du monde créé, c’est lui ajouter une dimension supplémentaire, c’est composer, à partir du réel, une réalité seconde, riche d’inventions et de surprises, fixer l’instant fugitif, jouer avec l’espace et parfois même enjamber le visible pour traquer les énigmes qui nous tourmentent »
Je gage que Guy souscrirait à pareille définition : cela fait des années que, penché sur ses démons, il étreint patiemment d’égarantes chimères.Texte de Lionel Bourg pour l’exposition « les ombres errantes »
dédiée à Leo Ferré : 2013
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